crète antique : exposé (partie 2)

Publié le par étudiant Architecture

Les enseignements des tablettes

 

  Ces tablettes font parler un monde d'images qui étaient jusque-là restées muettes. Certes, le rêve de retrouver comme en Mésopotamie ou à Ougarit des pans entiers de la mythologie ou de l'histoire s'est effondré, car la documentation parvenue jusqu'à nous est composée à 95% de pièces comptables, écrites sur argile, et qui doivent à l'incendie des bâtiments où elles étaient stockées d'avoir été cuites, et par là affermies et conservées.  

 

  Mais les enseignements de celles qui ont été déchiffrées n'en sont pas moins considérables: elles attestent l'existence en Crète d'un système palatial fortement centralisé et, semble-t-il, pour cette période au moins, une prééminence commerciale et politique de Cnossos assez nette.

 

 

  La civilisation minoenne tient son nom du roi légendaire Minos. son apparition marque l'introduction d'une architecture urbaine planifiée dont le centre est constitué par un palais. Elle connaît son apogée entre 2200 et 1450 av. J.-C.

Le palais de Cnossos

 

  L'histoire de la Crète est difficile à établir. Tout un pan de cette histoire fut révélé par les découvertes de l'archéologue Heinrich Schliemann, à Mycènes et à Troie, et par celles de sir Arthur Evans au milieu du XIX e  siècle, qui, poursuivant des études sur les pierres gravées, découvrit en 1900 le palais de Cnossos.

 

 

  C'est grâce à ces fouilles archéologique que nous est aujourd'hui connue la civilisation crétoise, dite aussi minoenne, du nom de Minos, roi semi-légendaire de Crète. Dans les années 1960, d'autres fouilles permirent la découverte d'un nouveau palais, à Zakros, et celle de la nécropole d'Archanès, qui livra encore des trésors de l'art minoen, aujourd'hui conservés au musée d'Héraklion. Il reste cependant que, si la chronologie de la civilisation minoenne est relativement établie, en revanche les méthodes utilisées pour mettre en lumière certains synchronismes sont plus fragiles. Les dates, en effet, ne sont qu'indicatives et probables, l'état des connaissances sur la richesse de cette civilisation étant loin d'être appréhendé dans sa multiplicité et son foisonnement.

La période du minoen

 

  Au début du II e  millénaire, dans les années 1900 av. J.-C. se situe une période de grandeur (minoen moyen), sans que l'on puisse dire avec certitude à quel bouleversement social correspond un tel changement: les villes s'enrichissent, de prodigieux palais-labyrinthes sont construits ( Cnossos, Phaistos, Malia et Zakro).

 

  Vers -1700, ces palais sont détruits par un tremblement de terre qui ébranle toute l'île; mais, sur les sites mêmes des ruines, d'autres palais vont être rapidement reconstruits. Cette période constitue le moment le plus fécond et le plus brillant de la civilisation minoenne.  

 

  La fin de ces grands centres palatiaux a longtemps été mise en relation avec l'éruption du volcan de Thira (aujourd'hui l'île de Santorin, située au nord), qui aurait provoqué, en Crète même, d'effroyables tremblements de terre et un ras de marée submergeant les côtes de l'île.  

 

L'explication semble cependant plus complexe sur le plan historique et soulève de difficiles problèmes: d'une part, les effets de l'éruption, datée de -1500, ont certainement été beaucoup plus sensibles sur l'Est du monde égéen qu'en Crète même; d'autre part, la pluie de cendres encore visible sur l'île paraît d'une ampleur trop faible pour avoir provoqué la ruine des palais.  

 

  Une seule certitude demeure: les palais ont été ravagés; et certains archéologues n'excluent pas l'hypothèse ancienne d'une conquête de la Crète par un ennemi extérieur, probablement les Mycéniens. A cette époque la Crète fut supplantée par Mycènes et ne joua plus de rôle politique notable dans le monde grec, bien que restant cependant un important centre commercial.

Les occupations successives

 

  Conquise par Rome en 67 av. J.-C., la Crète passa à Byzance à la fin du IV e  siècle. Les Sarrasins s'en emparèrent en 825-826, mais les Byzantins la recouvrèrent en 961.

 

  Elle tomba, en 1204, aux mains des Vénitiens. Ceux-ci en firent la pièce maîtresse de leur hégémonie en Méditerranée orientale, mais le détournement, au XVI e  siècle, des grandes voies maritimes, leur fut fatal et ils durent finalement l'abandonner en 1669, après l'avoir longtemps disputée aux Turcs.

 

  L'île végéta sous la domination ottomane jusqu'au début du XX e  siècle. Son rattachement à la Grèce devint effectif en 1913.

 

La situation de la Crète

 

  En grec ancien Krêtê , en grec moderne Kríti . La Crète , avec 8 330 km 2 , est l'une des plus grandes îles de la Méditerranée orientale. Elle constitue l'un des chaînons de l'arc montagneux reliant le Péloponnèse à l'Anatolie. Longue et étroite, elle est ponctuée de trois massifs qui culminent à plus de 2 000 m: les montagnes Blanches (Lefka Ori) à l'ouest, l'Ida au centre et le Dhikti à l'est.

 

 

    Les innombrables grottes cachées dans ces reliefs jouèrent tout au long de son histoire un très grand rôle, soit comme habitats, soit comme nécropoles ou sanctuaires. La vaste plaine de la Messara occupe le Sud de l'île; dans l'Antiquité, la Crète orientale et centrale était célèbre pour ses pâturages d'altitude, ses olives et ses vins, ses chênes et ses cyprès.

 

Les premières populations crétoises

 

  L'île fut peuplée dès l'époque néolithique. Au III e  millénaire (minoen ancien), les populations crétoises, probablement venues d'Anatolie et porteuses de la technique du travail du bronze, développèrent la céramique, l'orfèvrerie, la taille de la pierre et la glyptique, en particulier dans les régions proches du golfe de Mirabello et dans la plaine de la Messara. Les Crétois commencèrent à se livrer au commerce maritime notamment avec l'Egypte et les Cyclades.

 

  Les Crétois ont toujours bénéficié de mouillages bien abrités et d'une excellente situation entre la Grèce et ces régions de civilisation très évoluée qu'étaient le Proche-Orient asiatique et l'Egypte. La puissance de la marine crétoise fut telle, au II e millénaire, que les Grecs ont pu, à son propos, parler de thalassocratie (de thalassa, «mer», et kratos, «pouvoir»).

 

Le rôle dirigeant du palais

 

  Les tablettes en linéaire B retrouvées à Cnossos témoignent d'une société centrée sur le palais; elles consignent dans les moindres détails l'organisation économique: listes de rations, listes de personnel, listes de bétail.  

  Tout semble converger pour indiquer le rôle dirigeant du palais, véritable centre répartissant les personnes et les biens, contrôlant le suivi de la production depuis les matières premières jusqu'aux produits finis, et cela sans avoir recours à la monnaie.  

  Cnossos a par exemple livré un recensement annuel des troupeaux de moutons, des bergers affectés à leur garde et des tontes: 100'000 têtes de bétail auraient ainsi pâturé sur toute la partie centrale et orientale de la Crète , et le palais paraît bien avoir détenu une sorte de monopole de la laine sur au moins la moitié de l'île.

Une puissance non autocratique

 

  Une telle organisation n'est pas sans rappeler celles des grands royaumes orientaux, de la Mésopotamie à l'Egypte. Mais aussitôt apparaît le caractère singulier de la Crète : les rois de Babylone, comme ceux d'Egypte, couvraient leur pays des signes monumentaux de leur puissance et de celle de leurs dieux; rien de tel en Crète, où la «salle du trône» de Cnossos n'a rien de majestueux, le «trône» rien de particulièrement royal, et où les fresques se rapportent à tout autre chose que le pouvoir politique.

Un pouvoir non centralisé

 

  De même, il semble que la centralisation de l'économie n'ait jamais été totale. Certes, dès l'époque des premiers palais, les magasins emplis de pithoi (grandes jarres où l'on conservait aussi bien les céréales que le vin et l'huile), les silos enterrés (koulourès) indiquent que, à Cnossos comme à Phaistos, les surplus de l'agriculture étaient prélevés par le palais et alimentaient, avec la laine, un grand commerce orienté surtout vers l'acquisition des métaux. On admet que ce dernier était le plus souvent, à la manière égyptienne, un monopole de l'autorité centrale.

  Mais si le rôle économique du palais est bien attesté par les archives comptables, avec un système complexe de scellés permettant de contrôler entrées et sorties dans les magasins, il est difficile de déterminer le domaine exact d'application de ce contrôle. A Malia, par exemple, où comme ailleurs l'économie repose sur l'agriculture et l'élevage, la présence d'archives dans des bâtiments distincts du palais a même suggéré l'existence de domaines différents ayant chacun leur propre comptabilité.  

  Dernière singularité de l'expérience crétoise, par rapport cette fois aux forteresses continentales de Mycènes ou de Tirynthe: le palais est ouvert, dépourvu de fortifications. De quelque côté qu'on se tourne, c'est le caractère pacifique qui prévaut, dans l'architecture comme dans les représentations figurées. Cette absence de toute manifestation extérieure de la guerre ne cesse qu'avec la présence mycénienne dans l'île: c'est alors seulement qu'apparaissent des tombes de guerriers.

 

 

L'architecture palatiale

 

  Le paysage minoen est, dès la période paléopalatiale, dominé par le palais. Les fouilles récentes montrent comment, à partir du minoen récent, s'est progressivement répandue et adaptée, à des degrés divers, cette architecture palatiale avec la construction d'un nombre important de «petits palais» ou de «villas», vraisemblablement demeures de gouverneurs locaux ou, de façon plus générale, de membres du groupe dirigeant: «petit palais» et «villa royale» de Cnossos, «palais du gouverneur» à Ghournia, «villa» d'Haghia Triadha, etc.

  Mais les quatre grands palais restent ceux de Cnossos, de Phaistos, de Malia, fouillé à partir de 1921 par l'école française, et de Zakro, dégagé par N. Platon depuis 1961. Les différences considérables dans les dimensions - avec 13'000 m 2 environ, le palais de Cnossos occupe deux fois plus de place que ceux de Phaistos et de Malia et quatre fois plus que celui de Zakros - pourraient indiquer une certaine hiérarchie des sites palatiaux.

  Tous, cependant, répondent à un même type d'organisation: une masse monumentale compacte, organisée autour d'une cour centrale rectangulaire, toujours orientée nord-sud et formant le centre vital du palais. Dans cette cour convergent les entrées et, par de grands escaliers, la plupart des accès aux étages. Tout autour s'articulent les pièces de réception et d'habitation, les salles de culte mais aussi les ateliers et les magasins (une vingtaine de salles, longues et étroites, à Cnossos).

  Espace de communication, la cour joue de surcroît, si l'on en juge par certains aménagements spécifiques (aires dallées, tables à offrandes, fosses sacrificielles), un rôle religieux important. L'aile ouest, la plus imposante, présente, vers l'extérieur, une façade monumentale à décrochements qui domine une vaste cour ou esplanade dallée destinée vraisemblablement à accueillir les foules lors des fêtes.

  A Cnossos et à Phaistos, un petit théâtre à gradins complète ce dispositif. Sur les autres côtés, les différents quartiers du palais se distinguent mal de la ville qui les enserre: en Crète, le développement urbain se fait parallèlement à celui des palais. Les architectes minoens ont réussi à concilier monumentalité et fantaisie; ils ont aussi donné à leurs constructions un confort que la Grèce antique ne retrouvera jamais. Tout paraît conçu pour répondre à une double exigence: éviter la forte lumière et la chaleur accablante du climat méditerranéen. De vastes salles au sol dallé communiquent par des baies multiples avec des courettes intérieures et des jardins.

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